L’homme a traversé les âges grâce à sa capacité d’assumer sa survie. Dès le début du second millénaire la population de nos campagnes se regroupa peu à peu autour des églises et des premiers châteaux. Ainsi à l’abri des brigands et des loups la vie s’écoulait dans une certaine quiétude, malgré les aléas climatiques et les incontournables épidémies.

Malheureusement avec l’époque des seigneurs vint celle des conflits. De la querelle d’aristocrates à la guerre entre souverains la vie du paysan se fit, au fil du temps, de plus en plus périlleuse. Les troupes de passage ou les mercenaires au chômage prirent l’habitude de se nourrir aux frais des villageois et de leur faire subir toutes les joyeusetés propres aux gens de guerre. L’église du village, malgré son droit s’asile et la basse cour du château ne suffirent bientôt plus à protéger une population grandissante. Celle-ci fut donc amenée à assurer elle-même sa sécurité et c’est ainsi que virent le jour, dès le 12e siècle (mais surtout pendant la guerre de cent ans aux 14e-15e siècles), les villages fortifiés.

Le système défensif que les pérignatois construisirent alors s’est fait, au fil du temps, très discret, mais il est encore perceptible. Découvrons-le sur le plan de 1834.

 

Fort de Pérignat

 

Au centre, l’église fut certainement la première à être fortifiée. L’élévation du niveau supérieur permit de créer une immense salle à même d’abriter, en cas de danger, les villageois avec leurs réserves de nourriture et leurs biens les plus précieux. Des meurtrières leur permettaient alors de participer à la défense de l’édifice dont le sommet fut équipé d’un chemin de ronde et de créneaux.

Autour de l’église se trouve ce qui semble être une première enceinte. L’augmentation de la population dut motiver cette extension qui, en raison de son cercle presque parfait, laisse à penser qu’elle fut construite sur les douves entourant l’église. Elle est formée de «loges» qui sont de petites habitations (réduits-refuges) destinées à abriter la population. Construites les unes contre les autres leurs entrées étaient tournées vers l’intérieur du fort, le mur extérieur, sans aucun espace, formant muraille défensive. La première enceinte était donc apparemment constituée d’une douzaine de loges.

Une nouvelle extension semble s’être ensuite avérée indispensable. Une seconde enceinte fut érigée, contenant une trentaine de loges supplémentaires. Ce nouveau rempart prit cette fois-ci en compte le château dont il devint le prolongement, ce dernier protégeant alors le village au Nord.

Le fort ainsi conçu était doté d’un important réseau souterrain de caves reliées entre elles (et certainement avec l’église). De plus, venant du Sud et de l’Est, trois ruisseaux formaient des douves naturelles sur pratiquement tout le périmètre.

 

Fort de Pérignat

 

Un document manuscrit de 1665 (aimablement communiqué par un Pérignatois) relatif à une manifestation contre les impôts abusifs, mentionne que les habitants s’assemblèrent «audevant la porte du fort dud’lieu». A mon avis cette entrée se trouvait au Sud-Est du fort, au bout de l’actuelle rue des Fours, autrefois lieu-dit «Sous les Fours», déformation probable de «Sous les Forts».

Le fort de Pérignat a perdu une partie de ses loges et s’est agrémenté d’un porche au cours de ces dernières décennies. Il n’en conserve pas moins un grand intérêt que ce trop bref aperçu a tenté de souligner.

Patrick Massiasse