[publié le Vendredi 1er Avril 2022]

 

L’histoire commence le jour de l’ouverture de la pêche à la truite…


Luc Abillot, amateur éclairé de pêche à la truite, pratique depuis le lever du jour son sport favori dans la rivière Auzon, à proximité de l’Ecopôle. En fin de matinée, après en avoir attrapé deux de belle taille, une troisième se manifeste par une touche très marquée. 15 bonnes minutes d’une intense et loyale bataille lui sont alors nécessaires pour approcher de son épuisette un spécimen de plus de 70 cm. Quelle prise !! Il n’en croit pas ses yeux. Mais la surprise ne s’arrête pas là.

 

En effet, ce n’est pas une truite qu’il a attrapée mais un poisson large aux reflets bleutés qu’il ne reconnait pas. Rentré chez lui, ses recherches sur Internet lui indiquent que ce poisson qu’il a ramené dépassant de sa panière serait… une morue !

 

Très sceptique malgré la ressemblance frappante, il appelle Anatole Gruzelle, chargé de mission à l’Ecopôle du Val d’Allier, lequel peut activer ses réseaux dans les milieux naturalistes et de la recherche scientifique sur les milieux aquatiques. Contacté à son tour, Luc Bortoli de la fédération de pêche du Puy de Dôme oriente alors Mr Gruzelle vers l’IFREMER (Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer) qui confirme l’identification.

 

En effet, selon l’institut, quelques spécimens auraient été signalés sur l’ensemble du territoire européen depuis quelques années, particulièrement sur les zones de montagne. Sa curiosité émoustillée par ces informations, Anatole Gruzelle joint alors la société locale de pêche de Besse en Chandesse, « Tout pour ma Gaule », présidée par Emmanuel Macrot. L’homme confirme à son tour : « depuis quelques années, plusieurs spécimens ont été repérés sur la Couze, notamment sur le barrage hydro électrique installé en 2009 à la sortie immédiate de la ville en zone encore très urbaine ». Il avance une explication possible à cette présence d’espèces très inhabituelles :

 « Le barrage a nécessité l’installation de paliers, appelés passes à poissons, pour faciliter la remontée des migrateurs, particulièrement les saumons de l’atlantique, qui viennent se reproduire dans les ruisseaux des hautes vallées du Sancy. L’hiver dernier a été très rigoureux et a conduit la ville de Besse, comme le Conseil Départemental, à saler considérablement les voiries (5 à 10 000 tonnes sont épandues par an pour 8 à 12 millions d’euros), y compris les trottoirs. Lors des pluies ou de la fonte des neiges, ces surfaces imperméables ont favorisé le ruissèlement des eaux, très chargées en sel, lesquelles ont pu se concentrer dans les cavités creusées par le courant an aval des passes. Un lien pourrait ainsi être fait entre le sel, les trottoirs et les passes qui auraient fait monter les morues, morues dont on sait qu’elles apprécient ce milieu ».

 

Ivanovna Kalnina, chercheuse à l’université Latvia de Riga, a fait les mêmes constats dans son pays où les hivers très froids obligent les autorités à un salage massif des routes. Habitant désormais la France où elle a rejoint son compagnon, cette chercheuse d’origine lettonne, de Montcel dans les Combrailles, a elle-même récemment observé deux morues dans la Sioule. Elle dit également avoir interrogé à ce sujet les responsables de Terana, le laboratoire d’analyse d’eau du département du puy de Dôme. Ces derniers, Hélène Acéhel et Gérard Manvussat, ont donné des réponses assez vagues sur ces questions de concentration en sel proche de l’eau de mer. Ils considèrent que ces observations ne sont que ponctuelles et mériteraient une macro-analyse.

 

Même flou du côté de Yann Amard-Dézecoleau, directeur de cabinet du Président du Conseil Départemental, lequel a plutôt cherché à noyer le poisson en indiquant que le Président ne mange que du poisson d’eau douce, sauf le sandre qu’il ne digère pas, ne serait-ce que lorsqu’on prononce son nom.

 

Pour Yvan Depneux et Micheline Salluy-Vabien, délégués de la prévention routière, les équipements hivernaux sont une solution mais seulement 30 % des usagers se sont équipés, ce qui oblige à continuer le salage. Constat confirmé par Eddie Vidande, chargé de mission au PC route de la préfecture du Puy de Dôme, lequel considère qu’il faut malgré tout continuer à valoriser ces actions.

 

Pour terminer les investigations, Luc Abillot et Anatole Gruzelle ont interrogé Jean Paul Goudefiche, un des derniers pêcheurs professionnels exerçant sur l’Allier. Ce dernier a indiqué avoir pêché lui aussi à plusieurs reprises des morues dans l’Allier. Il aurait même déjà attrapé cette année deux beaux bars et quelques maquereaux mais personne dans le milieu n’a confirmé ses propos.

 

La piste du sel et de son lien éventuel avec la présence des morues dans nos rivière reste donc à confirmer. Paule Hussion, bénévole à la Frane (France nature environnement) est quant à elle convaincue du bien-fondé de cette hypothèse :

« des saumons ont aussi été observés en dévalaison au mois d’avril, alors qu’à cette époque ils remontent. Selon LOGRAMI (association qui observe la migration des saumons), cette désorientation peut s’expliquer par le fait que la concentration très élevée en sel, constatée en fin d’hiver notamment dans les Couze, laisse penser aux saumons qu’ils se sont trompés. Certains font alors demi-tour pour rejoindre les lieux de haute mer d’où ils viennent. Ironie du moment : du fait de la fonte de la banquise, ces eaux sont de moins en moins salées. Extenués par leur double périple, Ils s’y reproduisent alors, inversant le cycle naturel. »

Un constat qui fait froid dans le dos, même en ces périodes de réchauffement climatique.

D’autant que les procédures engagées contre le salage des routes en lien avec l’apparition des morues ont toutes abouti à un non-lieu.

 

 

 

 

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